Se sentir déconnecté·e de son corps : quand la sexualité devient lointaine, et comment y revenir doucement
- Morgane Beauvais
- 16 avr.
- 4 min de lecture
Il y a des périodes où l’on se sent loin de soi. Le corps est là, mais comme en arrière-plan. On vit les choses à moitié, on fait comme si, on avance… mais on ne sent plus. La sexualité, dans ces moments-là, devient difficile, parfois même douloureuse, ou simplement absente. Pas par manque de désir, mais parce qu’on ne sait plus comment y accéder. Comme si le lien entre soi et son propre corps s’était distendu, sans qu’on sache quand ni pourquoi.
Je reçois souvent des personnes qui me disent : « Je ne ressens rien », « Je suis à côté de moi-même », « J’aimerais, mais je n’y arrive pas ». Ces mots résonnent profondément. Ils parlent de dissociation, de fatigue émotionnelle, de traumas parfois anciens, ou simplement d’un quotidien où l’on ne trouve plus le temps d’être présent·e à soi.
Dans cet article, j’ai eu envie d’explorer ce que cela veut dire : être déconnecté·e de son corps, et donc de sa sexualité. Comprendre ce que ça raconte, ce que ça protège, ce que ça empêche aussi. Et surtout, proposer des pistes pour revenir à soi, pas à pas, sans violence, sans pression — juste avec sincérité.

Il y a des moments dans la vie où l'on ne se reconnaît plus. Le corps est là, mais on ne le sent pas vraiment. La sexualité, elle, semble très loin. Comme si quelque chose s'était décollé à l'intérieur de nous. Cette sensation de déconnexion, je l'entends souvent en consultation. Elle n'est ni rare, ni anormale. Et pourtant, elle est très peu nommée. Parce que dans une société qui survalorise la performance et l'efficacité, se sentir absent·e de soi, ça fait peur. Ça isole. Ça interroge.
Mais il y a des chemins pour revenir à soi. Doucement. Pas à pas.
Quand on ne se sent plus vraiment présent·e à soi
Certaines personnes parlent d'une impression d'être spectateur·rice de leur propre vie. D'autres disent qu'elles ont l'impression d'être "coupées en deux" : le corps vit quelque chose, mais la tête est ailleurs. D'autres encore n'arrivent même plus à identifier leurs sensations ou leurs émotions. Elles vivent les choses à distance, comme à travers une vitre.
Cette déconnexion peut avoir de nombreuses origines. Elle peut s'être installée progressivement, dans une période de stress ou de surcharge mentale. Elle peut être la conséquence d'un événement difficile ou d'un traumatisme. Elle peut aussi venir d'une longue habitude de se couper de soi pour s'adapter, survivre, répondre aux attentes.
Le corps devient alors un lieu lointain. Il ne nous parle plus, ou alors par des douleurs, de la fatigue, du vide. Et la sexualité, dans tout ça, peut devenir inaccessible. Non pas parce qu'on n'en a pas envie, mais parce que le lien est rompu.
Quand le désir devient flou, le plaisir incertain
Quand on est déconnecté·e de son corps, la sexualité peut devenir un acte automatique, ou bien quelque chose qu'on évite. On peut avoir du mal à ressentir du plaisir, à identifier ce qui nous fait du bien, à s'autoriser à explorer. On peut aussi se retrouver à faire l'amour "par devoir", ou parce que l'on pense que c'est ce qu'il faut faire, sans élan véritable.
Le désir, dans ces moments-là, devient une énigme. Il est difficile à localiser, à nommer, à convoquer. Et quand il est présent, il peut s'éteindre d'un coup, sans raison apparente. Cela peut être très insécurisant. On se demande si quelque chose cloche, si on est "cassé·e", si l'on sera un jour capable de retrouver une sexualité vivante.
Mais rien n'est figé. Le corps a sa propre mémoire, ses propres rythmes. Il peut se réveiller. Il peut se réconcilier avec nous. Mais jamais sous la contrainte.
Ce que cette déconnexion raconte de nous
Se sentir déconnecté·e, ce n'est pas juste un "problème sexuel". C'est souvent le signe d'une surcharge, d'une dissociation, ou d'un besoin de protection psychique. Le corps se met à distance pour nous éviter de ressentir ce qui serait trop douloureux ou trop menaçant.
C'est un mécanisme adaptatif. Il a pu être utile à un moment de notre vie. Mais il peut devenir encombrant lorsqu'il s'installe durablement. En psychologie, on parle parfois de "détachement protecteur" ou de "dissociation corporelle". Ce n'est pas pathologique en soi. Mais cela nous empêche d'être vraiment présent·e à nos expériences, et donc à notre plaisir.
Il est essentiel de regarder cette déconnexion non pas comme un dysfonctionnement à corriger, mais comme un message à comprendre. Un appel à ralentir, à écouter, à se reconnecter différemment.
Revenir à soi : des gestes simples, un rythme doux
Retrouver le lien avec son corps ne passe pas par des exercices imposés ou des performances sexuelles. Cela commence souvent par des choses très simples : sentir ses appuis dans le sol, respirer en conscience, toucher sa peau avec curiosité. Se remettre en mouvement. Habiter son corps, même quelques minutes par jour.
Il est possible de reprendre contact avec soi sans passer tout de suite par la sexualité. Parfois, cela viendra plus tard. Parfois, cela prendra des formes inattendues. Mais ce retour au corps ouvre des portes. Il remet de la vie, de la nuance, de la chaleur là où il y avait du vide.
Cela peut aussi passer par la création, par le soin, par la danse, par la nature. L'important, c'est que cela ait du sens pour soi. Qu'on puisse le faire sans pression, sans jugement, sans devoir résultat.
Comment je peux vous accompagner dans ce cheminement
En tant que sexologue, je reçois souvent des personnes qui me disent qu'elles ne ressentent plus rien. Qu'elles se sentent absentes, déconnectées, inaccessibles à elles-mêmes. Mon travail, ce n'est pas de "réparer" quoi que ce soit. C'est d'offrir un espace où l'on peut nommer, ressentir, questionner. Sans urgence, sans norme, sans tabou.
Je vous accompagne pour comprendre ce que votre corps essaie de dire. Pour faire le lien entre ce que vous vivez aujourd'hui et votre histoire. Pour vous autoriser à retrouver une sexualité qui vous ressemble, pas celle qu'on attend de vous.
Parce que vous avez le droit d'être présent·e à vous-même. Le droit de ressentir. Le droit d'y aller doucement. Le droit de revenir.